« Avec cette édition, le Prix célèbre les racines et l’innovation, l’écologie et les territoires » 3 questions à Laurence des Cars, présidente du jury du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main®

Présidente du jury depuis 2023 et présidente-directrice du musée du Louvre, Laurence des Cars nous dévoile la coloration de cette édition 2025, et les différents critères qui ont emporté la décision des membres du jury.
Le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® célèbre aujourd’hui sa 26e édition. Quel regard portez-vous sur cette récompense ?
Ce Prix illustre la vocation profondément visionnaire de la Fondation, qui envisage les métiers d’art comme des carrières d’avenir, au croisement de l’expérimentation, de l’innovation et de la transmission de savoir-faire historiques. Les trois récompenses décernées – saluant un talent singulier, une collaboration exceptionnelle, et l’engagement durable d’une structure en faveur des métiers d’art – donnent une dimension concrète à cette ambition, en distinguant des projets qui conjuguent excellence technique, richesse symbolique et conscience profonde du lien entre création et territoire.
Les artisans d’art sont des passeurs : leur maîtrise de gestes et de techniques pluriséculaires maintient vivantes l’audace et la minutie dont ont fait montre les créateurs d’objets et de mobilier d’art par le passé. Ils sont aussi tournés vers l’avenir : la conscience du matériau, l’intelligence de la matière, la réflexion que ces artisans d’exception proposent sur l’usage des objets innervent leurs recherches et encouragent la création.
Quelle était la coloration du cru 2025 ? Quels aspects particuliers de la création le jury a-t-il voulu distinguer à travers ces lauréats ?
Cette année, le jury a choisi de récompenser des projets qui reflétaient l’excellence des savoir-faire et leur ancrage au sein des territoires, que ce soit dans les techniques ou les références iconographiques. Le paravent de Jean-Brieuc Chevalier s’inspire de la tenture de l’Apocalypse présentée au château d’Angers et du motif Mille fleurs largement présent dans les tapisseries médiévales. Il révèle ainsi la puissance d’évocation des lieux patrimoniaux dans la création contemporaine, et illustre les échanges féconds entre héritage artistique et réinvention plastique.
La table basse en Leatherstone© créée par Elodie Michaud et Rebecca Fezard, un matériau à base de chutes de cuir, s’inscrit quant à elle dans une démarche où la conscience écologique guide la recherche formelle. Rendant hommage à la pierre de Tuffeau, elle affirme également un écho fort avec le territoire, cette fois-ci en puisant dans les strates géologiques de sa terre de conception. Ce projet démontre combien la philosophie de création peut s’ancrer dans un lieu, une matière, une histoire – et comment ces racines sont réinventées pour nourrir l’innovation.
Enfin, le musée de la Nacre et de la Tabletterie, lauréat Parcours, s’engage à faire revivre et à rendre tangibles l’héritage et la technique de la tabletterie, autrefois florissante à Méru, dans l’Oise. Le projet de ce musée est de conserver et de présenter au public ces savoir-faire tout en leur insufflant une actualité et une modernité neuves. Il associe conservation et transmission, tout en résonant avec l’histoire de la région, le musée étant installé dans une ancienne usine de tabletterie.
Ce Prix récompense l’excellence des métiers d’art, il porte également une réflexion plus stratégique sur l’avenir de la filière. Quels en sont les axes-clé ?
Présider le jury du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® est un grand honneur. En guidant les débats du jury, j’ai assisté à des échanges stimulants entre ses membres, dont les parcours différents se retrouvent autour d’une conviction et d’une estime communes pour les métiers d’art et leur futur. Pouvoir partager les délibérations avec des personnalités dont la perspective fine et sensible sur les enjeux auxquels cette filière est aujourd’hui confrontée est une chance immense.
A travers ces projets, c’est une vision unique des métiers d’art qui se déploie, tissant des liens entre l’héritage des gestes, l’esprit des lieux, et la création contemporaine. Les lauréats de cette édition nous rappellent combien ces métiers éclairent nos sociétés, nos territoires, et les imaginaires qui les façonnent.
Découvrir les lauréats

Jean-Brieuc Chevalier

Elodie Michaud & Rebecca Fezard
