Les animaux se repèrent dans leur environnement grâce à leur capacité à évaluer leur position dans l'espace, à planifier et à exécuter une trajectoire pour atteindre une cible spécifique. À l'aide d'un poisson très inhabituel, Germán Sumbre et son équipe étudieront la manière dont la représentation de la navigation dans le cerveau évolue après des changements drastiques dans l'environnement.

Intégrer les informations pour naviguer dans l'environnement 

Pour naviguer dans des environnements souvent complexes, les animaux utilisent différentes stratégies basées sur des informations sensorielles externes (par exemple la lumière) et internes (par exemple la perception de la position du corps). Ces données sont intégrées par des réseaux neuronaux précis dans le cerveau afin de créer des cartes spatiales cognitives qui fonctionnent comme un GPS interne, une boussole et un podomètre, permettant aux animaux de trouver leur chemin et de se localiser dans l'espace. 

Chez les poissons, des indices tels que la lumière, les odeurs, les vibrations et le débit de l'eau, les sons, la perception de la position du corps et de la profondeur sont essentiels à la navigation. Comment ces informations externes et internes sont-elles intégrées dans le cerveau pour générer une représentation mentale de l'espace ? Comment les circuits neuronaux évoluent-ils lorsque l'animal s'adapte à des changements environnementaux radicaux ? Malgré l'existence de modèles théoriques, ces mécanismes restent à élucider.

Un poisson cavernicole pour étudier la navigation dans des environnements changeants 

Pour répondre à ces questions, l'équipe de Germán Sumbre a choisi un modèle d'étude fascinant : le poisson Astyanax mexicanus, également connu sous le nom de tétra mexicain. Cette espèce comprend des poissons vivant en rivière et des poissons aveugles vivant dans des grottes (poissons cavernicoles) qui ont été piégés dans des grottes sombres il y a environ 20 000 ans. Confrontés à des conditions environnementales radicalement différentes (obscurité, rareté des sources de nourriture, absence de prédateurs), les poissons cavernicoles ont développé de nombreuses adaptations, notamment la perte des yeux, la disparition de certains comportements sociaux et l'expansion du capteur de courant d'eau (appelé ligne latérale). Ces adaptations évolutives font d'Astyanax mexicanus un modèle de choix pour étudier l'adaptation des circuits neuronaux à l'environnement.

  • © Germán Sumbre lab / IBENS.
  • Germán Sumbre et son équipe à l'IBENS.
    © Alexandre Darmon / Art in Research
  • Dans le laboratoire de Germán Sumbre à l'IBENS.
    © Alexandre Darmon / Art in Research
  • © Alexandre Darmon / Art in Research
  • Dans le laboratoire de Germán Sumbre à l'IBENS.
    © Alexandre Darmon / Art in Research
  • Dans le laboratoire de Germán Sumbre à l'IBENS.
    © Alexandre Darmon / Art in Research

Un projet innovant pour mettre en lumière l'adaptation des mécanismes de navigation spatiale

Avec le soutien d'Impulscience®, Germán Sumbre et son équipe mettront à profit leur expertise multidisciplinaire, développée au fil de plusieurs années, pour comparer les capacités de navigation et les circuits neuronaux sous-jacents de deux variantes de poissons cavernicoles (qui ont évolué indépendamment dans deux grottes distinctes) et de la variante de rivière de la même espèce. 

L'imagerie cérébrale, la manipulation génétique, l'optogénétique, l'analyse comportementale, la réalité virtuelle et les méthodes mathématiques d'analyse de l'activité des réseaux neuronaux sont autant de techniques qui permettront à l'équipe de disséquer en détail les mécanismes sous-jacents à la génération de cartes spatiales cognitives chez les variantes d'Astyanax mexicanus

Cette approche comparative, à la croisée de la neurobiologie, de l'écologie comportementale, de l'évolution et des sciences cognitives, permettra de mieux comprendre les mécanismes et les principes sous-jacents à l'évolution de la navigation spatiale chez les vertébrés, et ouvrira la voie à l'étude de l'adaptation des calculs neuronaux aux changements drastiques de l'environnement.

Germán Sumbre en quelques mots

Germán Sumbre a obtenu son doctorat à l'Université hébraïque de Jérusalem (Israël) et effectué un post-doctorat à l'Université de Californie à Berkeley (Etats-Unis). En 2009, il a créé sa propre équipe à l'Institut de biologie de l'École normale supérieure (IBENS) à Paris. Depuis lors, son domaine d'étude est la neuroéthologie, qui explore le comportement animal et les mécanismes neuronaux sous-jacents chez les vertébrés. Ses recherches portent en particulier sur le poisson zèbre (Danio rerio) et, plus récemment, sur le tétra mexicain (Astyanax mexicanus) et la communication acoustique chez les grands dauphins.

© Alexandre Darmon / Art in Research

Programme Impulscience

Impulscience attribue chaque année 7 nouveaux soutiens à des chercheuses et chercheurs en sciences de la vie. Concentré sur le milieu de carrière, ce programme a pour objectif de soutenir cette étape cruciale pour le développement des projets de recherche. 

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