Chez les femmes, la muqueuse utérine se transforme de manière cyclique sous l'influence des hormones sexuelles pour se préparer à une éventuelle grossesse : elle se différencie, se dégrade, puis se régénère. L’équipe de Camille Berthelot cherche à mieux comprendre ces processus essentiels pour la reproduction, en adoptant une approche unique : comparer les mécanismes cellulaires et génétiques à travers différentes espèces animales.

L’utérus : un organe pas comme les autres

Parmi nos organes, l’utérus se distingue par sa capacité exceptionnelle à régénérer ses tissus de manière cyclique. Ce processus repose sur deux événements clés : la différenciation des cellules utérines en décidue – la partie maternelle du placenta (organe essentiel au développement du fœtus, et dont la majorité est d'origine fœtale) – et la menstruation – l’élimination de ces cellules lorsque la fécondation n’a pas eu lieu. Ce cycle complexe est au cœur de la fertilité. 

Chaque étape du cycle implique une orchestration fine de mécanismes génétiques et cellulaires, sensibles à une multitude de signaux internes et environnementaux, en particulier les hormones. Lorsque ces transitions sont perturbées, elles peuvent entraîner des troubles de la fertilité ou des pathologies comme l’endométriose. Pourtant, malgré son rôle central dans la reproduction et la santé des femmes, les mécanismes qui gouvernent la régénération utérine restent encore largement méconnus.

Changer de perspective : la force du comparatif inter-espèces 

Les différences observées entre espèces de mammifères offrent une opportunité unique de percer les mystères de la régénération de l’utérus. Chez l’humain, par exemple, les cellules utérines potentiellement destinées à participer à la formation du placenta, la décidue, sont éliminées lors des menstruations. À l’inverse, chez d’autres mammifères, ces cellules sont réabsorbées. Ces observations indiquent que la menstruation, un changement de stratégie coûteux en énergie et en temps, est apparu récemment dans l’histoire évolutive. 

Pourquoi une telle transformation dans un processus aussi fondamental pour la survie des espèces ? Quels sont les mécanismes génétiques et cellulaires qui orchestrent la régénération de l’utérus chez les mammifères ?

  • © Camille Berthelot lab / Institut Pasteur
  • Dans le laboratoire de Camille Berthelot à l'Institut Pasteur.
    © Alexandre Darmon / Art in Research
  • Camille Berthelot dans son laboratoire à l'Institut Pasteur.
    © Alexandre Darmon / Art in Research
  • © Alexandre Darmon / Art in Research
  • Dans le laboratoire de Camille Berthelot à l'Institut Pasteur.
    © Alexandre Darmon / Art in Research

Impulscience : à la recherche des mécanismes perdus 

Grâce au soutien d’Impulscience, Camille Berthelot et son équipe vont explorer ce paradoxe évolutif en mettant en lumière les principes génétiques et moléculaires des adaptations qui sont apparues dans l’utérus et qui permettent de maintenir la fertilité tout au long de la vie reproductive. 

Dans un premier temps, ils analyseront les profils génétiques des cellules utérines à différentes phases du cycle, formation de la décidue et menstruation, pour identifier leurs états cellulaires spécifiques. Cette étude sera menée sur plusieurs espèces aux stratégies de régénération distinctes, afin de révéler les avantages évolutifs potentiels de ces différences. Ensuite, l’équipe s’intéressera à l’influence de l’environnement hormonal sur ces transitions cellulaires. Enfin, toutes ces données seront intégrées dans une vaste analyse génomique couvrant plus de 200 espèces de mammifères, pour construire un atlas évolutif des facteurs ayant façonné les stratégies de régénération utérine. Ces travaux pourraient ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter l’infertilité et d’autres pathologies du système reproducteur féminin.

Camille Berthelot en quelques mots

Camille Berthelot est chercheuse en génomique évolutive et dirige depuis 2021 le groupe « Génomique Fonctionnelle Comparative » à l’Institut Pasteur, Paris. Formée à l’École Normale Supérieure de Lyon puis à Paris, elle a mené des recherches postdoctorales à EMBL-EBI, Cambridge (Royaume-Uni) avant de rejoindre l’Inserm. Ses travaux explorent l’évolution des génomes chez les vertébrés, avec un intérêt particulier pour les mécanismes évolutifs qui permettent l’apparition de nouvelles caractéristiques avantageuses. Un nouvel axe de sa recherche s’intéresse à l’évolution des mécanismes liés à la menstruation et à des pathologies comme l’endométriose.

© Romain Redler / Art in Research

Programme Impulscience

Impulscience attribue chaque année 7 nouveaux soutiens à des chercheuses et chercheurs en sciences de la vie. Concentré sur le milieu de carrière, ce programme a pour objectif de soutenir cette étape cruciale pour le développement des projets de recherche. 

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