Les travaux pionniers de Bruno Lemaître sur le système immunitaire inné de la drosophile ont ouvert la voie à la compréhension de mécanismes de défense conservés au cours de l’évolution et similaires entre les insectes et les mammifères tels que l'homme.

Immunité innée versus immunité adaptative

Les animaux et les plantes ont hérité, au fil de l'évolution, d'un système immunitaire inné ancestral capable de reconnaître les grandes familles d'agents pathogènes. Il est notre première ligne de défense. Cette réponse rapide peut détruire les intrus et déclencher une réaction inflammatoire.

Chez les vertébrés, lorsque les pathogènes passent cette première barrière, intervient alors le système immunitaire adaptatif. Sa force réside dans sa capacité à s'adapter aux évolutions rapides des différents microbes en mobilisant des anticorps spécifiques, et à mémoriser les différents aspects de cette réponse immunitaire pour réagir plus rapidement lors d'une future rencontre avec le même intrus.

Comment notre système immunitaire distingue-t-il les agents infectieux d'autres intrus inoffensifs? Le système adaptatif étant incapable de faire cette distinction, cette mission devait incomber au système inné.

Le récepteur Toll et l'élucidation des mécanismes de l'immunité innée

En 1996, Bruno Lemaître et Jules Hoffmann, découvrent que, chez la drosophile, le récepteur Toll permet au système inné de répondre à des infections fongiques. Il contribue à identifier l'agresseur et à déclencher une réponse antimicrobienne adaptée. Le premier récepteur Toll humain sera découvert en 1997. Bruno Lemaître contribue également à la mise en évidence d'une deuxième voie immunitaire innée chez la drosophile, la voie IMD (immune deficiency), qui répond plus spécifiquement aux infections par les bactéries à Gram-négatif.

Contre une idée largement répandue, Bruno Lemaître démontre ainsi que la réponse du système immunitaire inné n'est pas aspécifique mais s'adapte au pathogène rencontré.

Ces découvertes ont permis de comprendre les mécanismes de résistance ou de susceptibilité aux infections, mais également de dessiner de nombreuses perspectives thérapeutiques : vaccins, immunothérapie contre les cancers, traitement des maladies auto-immunes etc.

De la symbiose entre microbiote intestinal et système immunitaire

De l'autre côté de nos barrières immunitaires, à l'intérieur de notre organisme, se trouvent de très nombreuses bactéries, qui constituent notre microbiote. Celui-ci joue un rôle majeur pour la maturation de notre système immunitaire, qui influence en retour sa composition bactérienne.

La dotation du Prix Liliane Bettencourt pour les Sciences du Vivant vient justement soutenir Bruno Lemaître et son équipe, pour l'examen des mécanismes de défense de l’épithélium intestinal et plus globalement de l'homéostasie du tube digestif.

Utilisant une nouvelle fois la drosophile comme modèle, les chercheurs ont pu démontrer le rôle des cellules souches intestinales dans la réparation du tube digestif lors d'une infection bactérienne.

Des interactions harmonieuses entre système immunitaire et microbiote dépend notre santé, un déséquilibre pouvant induire des pathologies telles que diabète, cancers, maladies cardiovasculaires etc.

Bruno Lemaître en quelques mots

Docteur en génétique, Bruno Lemaitre rejoint le laboratoire de Jules Hoffmann à l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg. En 1996, il contribue à marquer l'histoire de l'immunologie, en découvrant que le récepteur Toll est un composant essentiel de la réponse immunitaire innée de la drosophile. Ce travail fondateur permettra l’identification des récepteurs Toll-like comme médiateurs de l’immunité innée chez l’homme.

Il secoue ensuite le dogme selon lequel l’immunité innée serait aspécifique, en démontrant que chez la drosophile, ce système active une réponse distincte selon le pathogène rencontré.

Soutenu par la fondation Bettencourt Schueller dans le cadre du Prix Coup d’élan pour la recherche française en 2003, et du Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant en 2010, il poursuit ses recherche sur la drosophile au sein de l’Institut d’Infectiologie de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, et entreprend d'élucider les relations symbiotiques entre microbiote intestinal et système immunitaire.

  • 1992 Doctorat de génétique, Université Pierre et Marie Curie, Paris

  • 1992 Chargé de recherche au CNRS, Institut de biologie moléculaire et cellulaire, Strasbourg

  • 1998 Directeur de l’équipe Etude des interactions hôte-pathogène et de l’immunité innée chez la drosophile, Centre de génétique moléculaire, Gif-sur-Yvette

  • 2003 Prix William B. Coley pour la recherche fondamentale en immunologie, American Cancer Research Institute

  • 2007 Professeur ordinaire, directeur de laboratoire, Global Health Institute, Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse)

Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française

Le Prix Coups d’élan pour la recherche française a été créé par la Fondation en 2000, il a récompensé 78 laboratoires français et plus de 900 chercheurs ont bénéficié de ce prix. Jusqu'en 2021, ce prix était attribué chaque année à quatre équipes de recherche, relevant de l’Inserm et de l’Institut des sciences biologiques du CNRS. La dotation du prix était de 250 000 euros par laboratoire lauréat.

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Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant récompense chaque année un chercheur de moins de 45 ans pour l’excellence de ses travaux et sa contribution remarquable à son domaine de recherche scientifique. Ce prix est attribué selon les années à un chercheur établi en France ou travaillant dans un autre pays d'Europe. Vingt-sept lauréats ont été récompensés depuis 1997. A partir de 2023, la dotation de ce prix récompense personnellement le lauréat à hauteur de 100 000 euros.

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