Réunir dans une même maison des personnes fragilisées par la vie et des jeunes actifs, célibataires ou en famille, est un pari audacieux. C’est le choix de vie dans lequel des hommes et des femmes ont accepté de s’engager, pour oser la rencontre et lutter contre l’isolement et la solitude. 

L’Association pour l’amitié, Lazare, Simon de Cyrène et La Maison Magdalena ont en commun de porter un projet solidaire d’intégration, d’écoute et d’accueil de personnes confrontées à des situations de solitude et de marginalisation. Oser reconnaître dans la vie de chaque jour que l’autre n’est pas seulement un handicap ou des blessures mais un être doué de facultés, de capacités, de richesses à partager est une démarche qui oblige à une grande humilité.

L’Homme au cœur de toute société

La Fondation Bettencourt Schueller est convaincue que l’engagement humain, le lien social, le vivre ensemble sont les clés d’une inclusion réussie. Trouver une présence réconfortante pour ne pas céder à l’angoisse, recréer une cellule amicale, rassurante et bienveillante pour reconstruire une vie sociale sont des valeurs qui sous-tendent ses choix et ses actions. Développer des colocations solidaires, des appartements partagés, c’est aussi pour les associations qui les portent, créer la possibilité d’une rencontre, inviter au don de soi et au partage, ouvrir un chemin nouveau d’où la communauté toute entière sort grandie. Mais il s’agit bien ici de passer de la générosité au partage, d’inviter à l’échange et à la réciprocité.

Une vie commune pour se rencontrer

L’Association pour l’amitié offre un toit mais surtout une relation. Car elle propose des lieux de vie commune à Paris réunissant de 6 à 10 personnes, sans domicile fixe et actifs.

​Des personnes âgées de 25 à 80 ans, de cultures différentes et d’origines diverses, décident ainsi de vivre ensemble, en colocation, dans des appartements partagés. « Cette différence est une porte ouverte à la réciprocité » explique Martin Choutet, co-fondateur de l’Association pour l’amitié avec Etienne Villemain.

« Dans ces appartements, on s’émerveille de l’attention et de la générosité des personnes "exclues". Michel est toujours le premier à offrir un café, Thierry est très efficace pour respecter et entretenir le logement ».
Ces associations invitent à créer de nouvelles relations sans fard, de personne à personne. Pour cela, elles choisissent l’expérience du quotidien, qui valorise les capacités individuelles et permet à tous de s’impliquer et de jouer un rôle dans la vie collective.

Briser l’isolement

Vivre dans la rue est toujours une injustice, une absurdité. En proposant de partager un quotidien, ces associations permettent aux personnes fragilisées de réapprendre à se livrer, à confier leurs peines et leurs fêlures. Ecouter le récit de celui qui s’est trouvé contraint de dormir sur un parking ou dans le métro, c’est redécouvrir à quel point la vie est fragile et précieuse. C’est aussi lui offrir un espace où s’arrêter, la possibilité de créer des relations avec des personnes bienveillantes, une nécessité qui demande toutefois à chacun un effort de transformation. Il faut apprendre à surmonter ses peurs et ses préjugés. « Les personnes sans domicile fixe ne voient souvent que des assistantes sociales, des professionnels rémunérés pour s’occuper d’elles », confirme Etienne Villemain, co-fondateur de l’association Lazare, qui développe et anime des appartements partagés dans les grandes villes de France. « Chez Lazare, personne n’est jamais payé pour vivre dans ces appartements. Même le responsable de la maison est bénévole ».

  • Dîner entre colocataires de l'association Lazare à Toulouse, 2019.
    © Constance Viot
  • Des colocataires de l'association Lazare dans la maison de Nantes.
  • © Angelique Provost
  • Hermance et Freddy, amitié entre colocataires de l'association Lazare.
    © Constance Viot

Redonner du sens à l’existence

Réapprendre à vivre impose de se donner un but et de trouver du sens à sa vie. L’association Simon de Cyrène crée des maisons partagées entre des personnes valides et des personnes infirmes, après des mois de coma, un accident vasculaire cérébral, un accident de la route... Conscientes de leurs "capacités d’avant", elles doivent réapprendre à vivre avec des lésions cérébrales qui altèrent leurs capacités physiques, psychiques et cognitives. « Comment reconstruire sa vie ? », interroge Laurent de Cherisey, fondateur de l’association.

« En nous disant "j'ai besoin de toi", la personne fragile et dépendante nous convoque dans une relation fraternelle qui témoigne du sens de la vie. Cette expérience bouleversante nous invite à oser l’altérité par une alliance féconde de nos fragilités. Il ne s’agit pas de faire pour, mais de faire ensemble. C’est le secret d'une société réconciliée avec la peur de la différence et de la fragilité. Les personnes concernées attestent que le handicap désocialise. Ensemble, nous avons réfléchi à des lieux de vie où chacun pouvait être chez soi, en s'engageant dans une vie fraternelle permettant de se reconstruire et de réenvisager un avenir. »

  • Résidents de la communauté Simon de Cyrène de Vanves dans les Hauts-de-Seine, dans l'un des appartements de la communauté, en avril 2016.
    © Adrien Daste
  • Préparation du repas dans l'un des appartements de la communauté Simon de Cyrène de Vanves, dans les Hauts-de-Seine, en avril 2016.
    © Adrien Daste
  • Une résidente de la communauté Simon de Cyrène de Vanves dans les Hauts-de-Seine, dans le jardin de la communauté, en avril 2016.
    © Adrien Daste
  • Préparation du repas dans l'un des appartements de la communauté Simon de Cyrène de Vanves, dans les Hauts-de-Seine, en avril 2016.
    © Adrien Daste

Créer les conditions d’une nouvelle voie

Pour permettre aux personnes de bien vivre ensemble et de se reconstruire, il faut un cadre. Chacun participe au loyer. Un temps de rencontre est souvent organisé pour échanger sur les difficultés et les joies. Mais les personnes qui vivent dans la marginalité depuis longtemps ont besoin de retrouver une régularité de vie, des horaires fixes et une activité motivante. La Maison Magdalena accueille depuis quelques semaines d’anciennes prostituées. « Durant six mois, ces femmes vont pouvoir participer à un programme en trois phases », explique Jean-Michel du Peyroux, vice-président de l’association. « Il consiste à se refaire une santé, à réapprendre à travailler au sein de la maison dans la régularité, puis à se former pour accéder à un nouveau métier ». En parallèle, des bénévoles favorisent la création de moments conviviaux et participent à la vie de la maison. Par ces échanges, la vie retrouve du sens et les personnes fragilisées peuvent envisager un avenir confiant.

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