Créée en 2013, la Fondation France Répit se fixe pour mission de soutenir les aidants de personnes malades, âgées ou atteintes de handicap en créant des Maisons de répit ; des structures inédites alliant mode d’hébergement et accompagnement global des familles. Le point sur cette initiative alors qu’une seconde maison s’apprête à être construite à Boulogne-Billancourt, après celle ouverte en 2018 à Lyon.

Vous venez de poser la première pierre de la Maison de répit qui ouvrira ses portes en 2026 à Boulogne-Billancourt. Pouvez-vous nous décrire le parcours qui a mené à sa conception ?

Ces maisons sont la réponse à un constat. Aujourd’hui, l'hôpital est devenu un plateau très technique, très pointu, très coûteux. On y vient pour réaliser un examen, subir une intervention (dans 50% des cas en ambulatoire) mais c'est désormais à domicile que se vit la maladie dans sa chronicité. Peu à peu, la maison est devenue le lieu principal du soin. C'est aussi vrai dans le domaine du handicap ou celui du grand âge, avec les politiques d’inclusion et de maintien à domicile. Cette évolution est positive car elle correspond au désir de nombreuses personnes dépendantes mais elle impose une grande implication de la part des proches, le tout dans un contexte où l'exiguïté des logements et l'éclatement des familles rendent plus difficile ce type d’accueil. Mon engagement est né de cette observation et d'une expérience personnelle d'aide à l'une de mes filles, Jeanne, atteinte d’une tumeur cérébrale à l'âge de 12 ans et décédée quatre ans plus tard. Nous avons traversé cette expérience de vie avec la conscience de notre chance : une famille unie et sans réelle difficulté financière, un appartement spacieux, des parents et des amis qui pouvaient prendre le relais. Ce n’est pas le cas de tous les aidants et nous avons décidé de nous engager pour répondre à ces questions, devenues cruciales dans notre société.

Comment avez-vous pensé ces maisons ? Pouvez-vous nous présenter leur mission et leur fonctionnement ?

Nous avons d’abord enquêté sur les initiatives menées dans ce domaine en Allemagne, en Belgique et au Québec pour tirer parti des expériences, tout en imaginant un modèle propre à notre pays. Partant de ces observations, nous avons élaboré ce concept de Maison de répit avec la volonté de proposer un soutien global aux familles, alliant séjours de rupture et accompagnement des aidants. Notre démarche s’articule autour de deux piliers. Tout d’abord la constitution d’une équipe mobile pluridisciplinaire (médecin, infirmière, psychologue, assistante sociale) qui se rend à domicile pour évaluer la situation avec les aidants et les aidés, dans une approche globale. Il s’agit de comprendre ce qui se joue à la maison, prendre la mesure des ressources existantes et des domaines pour lesquels il faut apporter des étayages. Après plusieurs visites, l’équipe établit un plan d'aide et met en place de solutions qui vont permettre de renforcer l’écosystème. 

L’une des solutions correspond à notre deuxième pilier : la proposition d’un hébergement dans une Maison de répit qui accueille à la fois des patients atteints de maladies grave, des personnes en situation de handicap ou très âgées. Ces maisons fonctionnent avec une équipe d’infirmières et d’aide soignantes présentes 24h/24 pour assurer une surveillance médicale constante. Dans le même temps, une autre équipe travaille à offrir un accueil bienveillant et chaleureux sous la houlette d’une maîtresse de maison, le tout épaulé par des équipes de bénévoles. La maison de Lyon abrite des chambres et des studios familiaux pour 15 patients. La maison de Boulogne disposera de 30 chambres et appartements pour 24 patients. Les séjours (30 jours maximum par an) fonctionnent selon différentes modalités. Dans un premier cas, les familles nous confient leur proche et profitent de cette pause pour souffler. Dans un autre, nous proposons des séjours aidant-aidé – un adulte malade vient avec son conjoint, une famille avec un enfant handicapé. 

Enfin, nous avons conçu des séjours d’aidants seuls, lorsque la personne malade est hospitalisée, par exemple. Dans tous les cas, un programme est proposé aux aidants : soutien psychologique, temps d’échanges entre pairs, activités de bien-être et de ressourcement.

Avez-vous des mesures d’impact de ces séjours de répit ?

Nous avons mis en place un programme de recherche destiné à évaluer l'impact positif des Maisons de répit, mené avec le soutien du Fonds MSD Avenir. Un constat se dégage déjà très nettement. Les familles qui profitent d’un accompagnement de l'équipe mobile et de séjours réguliers dans nos maisons présentent un niveau d'épuisement nettement inférieur à ceux qui n’en bénéficient pas. Notre démarche se démarque des solutions d’accueil temporaires mises en place en France qui permettent aux aidants de confier leur proche, mais s’occupent seulement des aidés. Dans une maison de répit, nous accompagnons des aidés comme les aidants, avec des évaluations et un soutien dans la durée. L'équipe mobile suit des cohortes de familles depuis plusieurs années. À Lyon, 450 familles sont accompagnées et à Boulogne, nous en soutiendrons jusqu’à 600.

Ces maisons sont au cœur de la mission de votre Fondation mais vous portez aussi le sujet des aidants auprès des institutions, des médecins... Pouvez-vous nous évoquer ces engagements ?

Nous développons des actions de plaidoyer, notamment pour faire entrer ces maisons dans la nomenclature des établissements de santé et accélérer leur essaimage. Mais cela reste un vrai défi. Si les pouvoirs publics sont convaincus de l’intérêt de notre démarche, ils ne sont pas toujours prêts à en assumer les coûts. A Lyon et à Paris, heureusement, les Agences Régionales de Santé ont agréé nos établissements et leur octroient un budget qui couvre toutes les charges de fonctionnement. Il est donc possible d’avancer mais une chose reste sûre : porter l'innovation en santé en France est difficile. 

Pour le reste, nous effectuons un travail d'information continu afin de sensibiliser les professionnels (médecins, pharmaciens, hôpitaux, cliniques privées), présenter le concept de Maison de répit et les inciter à y orienter les familles quand ils observent des situations d'épuisement au domicile des aidants. 

Enfin, la Fondation France Répit a engagé des partenariats dans les domaines de la recherche et de l’enseignement. Nous avons créé, avec l’université de la Sorbonne, le diplôme « Soins de répit, prévention et accompagnement des proches aidants », destiné aux professionnels de santé. Nous avons mis en place un programme, financé par le fonds MSD Avenir, qui mobilise plusieurs laboratoires de recherche. Il a notamment permis la création de l’application « J’aide, je m'évalue », avec un service gratuit et anonyme qui permet aux aidants de mesurer eux-mêmes leur risque d'épuisement.

Quel regard portez-vous le soutien que vous apporte la Fondation Bettencourt Schueller ? Et quels sont vos projets pour les prochaines années ?

La Fondation participe financièrement à la construction de nos maisons mais elle joue aussi un rôle de levier très important. Nous avons posé récemment la première pierre de la Maison de Boulogne-Billancourt et personne ne manquait à l'appel : les grands élus du territoire, l'Agence Régionale de Santé, la préfecture, les représentants de l'hôpital public et de cliniques du département... Pour faire avancer des projets innovants, il faut créer du collectif et le soutien de la Fondation – dont les actions sont très reconnues – amplifie cette mobilisation. Par ailleurs, la Fondation Bettencourt Schueller propose un véritable accompagnement aux porteurs de projet qu’elle soutient. La Fondation accorde des subventions, mais elle est avant tout un acteur du changement en soutenant les initiatives, parfois les plus audacieuses. Grâce notamment à cet accompagnement, nous entendons poursuivre le développement de nos initiatives en termes de recherche et de plaidoyer, mais l’essentiel de nos projets s’articule autour de la création de nouvelles maisons. Plusieurs régions sont en cours d'étude et nous avons l'objectif, une fois la Maison de Boulogne ouverte, d'engager deux projets par an pour doter chaque région française d’une Maison de répit dédiée.