Déjà lauréat du prix Coups d’élan pour la recherche française décerné en 2000 par la Fondation, le professeur José-Alain Sahel poursuit avec enthousiasme et détermination son aventure de recherche, de soins et d’enseignement. Il vient d’être choisi pour tenir en 2015-2016 la Chaire d’innovation technologique Liliane Bettencourt au Collège de France. Cette nouvelle distinction lui permetttra de présenter et prolonger au Collège de France les découvertes et innovations de ses équipes pour traiter les maladies de la rétine. Rencontre avec un chercheur passionné, à l’origine de la première implantation d’une rétine artificielle.

Vous venez d'être nommé professeur titulaire de la Chaire d’innovation technologique Liliane Bettencourt au Collège de France. Quelles sont vos ambitions pour ce cycle d'enseignement ?

Professeur José-Alain Sahel : C’est une très grande joie de donner cet enseignement. La leçon inaugurale « Rapprocher les regards » s’inscrira dans la perspective de l’homme réparé, dans les composantes somatiques de l’affection dont il souffre, tout en respectant sa précarité. Les cours porteront sur l’avancée des recherches dans le domaine de la restauration visuelle et je tenterai d’en tracer les perspectives à moyen terme. Mon objectif est de démontrer le potentiel et le dynamisme de la recherche sur la vision, qui connaît aujourd’hui un véritable tournant.

Vos recherches sont sur le point de trouver des applications concrètes. Quelles sont les thérapeutiques prometteuses pour les années à venir ?

Nous menons actuellement des essais cliniques sur la rétine artificielle et la thérapie génique. Nous préparons des essais sur une approche originale de neuroprotection, sur l’optogénétique, une technique notamment utilisée pour identifier des réseaux neuronaux, la transplantation de cellules souches et une nouvelle génération de rétine artificielle. Les progrès dans la connaissance du traitement de l’information par le système visuel permettent également d’améliorer le codage des stimulations effectuées sur ces prothèses. Enfin, l’imagerie à très haute résolution, non invasive, devrait permettre de caractériser les atteintes chez les patients, le statut des tissus préservés et de cibler ainsi l’approche thérapeutique. La médecine est à la fois plus technologique et plus individualisée.

Ces avancées sont elles liées au succès des partenariats public/patients/médecins/industriels que vous avez tissés ?

Ces recherches s’inscrivent dans un continuum à partir d’approches non finalisées, dites de recherche fondamentale sur le système visuel, son fonctionnement et son développement. Les innovations diagnostiques et thérapeutiques sont issues d’une meilleure compréhension des mécanismes pathologiques au niveau de la recherche académique. Le monde industriel, souvent dans le cadre de start-up apporte des moyens et compétences complémentaires. Le dernier mot, et le premier, revenant au patient.

Vous croyez à la collaboration internationale et interdisciplinaire. Comment développer cet esprit de recherche et impulser ces dynamiques dans l'enseignement ?

Une question médicale, scientifique, ne peut plus être abordée en profondeur dans un cadre disciplinaire ou géographique restreint. Seule une logique de projets, couplée à un enseignement stimulant et exigeant, donnant la perception des bienfaits de la prise de risque, peut aboutir à de véritables ruptures, sous réserve que le temps (long), la confiance et les moyens nécessaires soient donnés aux équipes.

Plus d'informations

La leçon inaugurale « Rapprocher les regards » sera donnée au Collège de France le 21 janvier 2016 à 18 heures. Les cours auront lieu les mercredis à 10h30 à partir du 17 février 2016 et seront systématiquement suivis de séminaires donnés par des pionniers de ces recherches. L’ensemble du cycle d’enseignement sera disponible en français et en anglais sur le site du Collège de France. Deux colloques conclueront le cycle : le 3 juin sur le cerveau lors des atteintes auditives et visuelles, les 6 et 7 juin sur les audaces et enjeux de la recherche sur la restauration visuelle.

Site du Collège de France

José-Alain Sahel

Médecin ophtalmologiste, le professeur José-Alain Sahel enseigne à la faculté de médecine de l'Université Pierre et Marie Curie. Titulaire de la Chaire Cumberlege de sciences biomédicales à l'Institute of Ophthalmology de l’University College of London, il dirige un service d’ophtalmologie au Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts et à la Fondation ophtalmologique Rothschild à Paris. Il a fondé et dirige l’Institut de la vision (Université Pierre et Marie Curie/Inserm/CNRS), qui fonctionne en synergie avec le Centre hospitalier des Quinze-Vingts. Il compte aujourd’hui plus de 250 collaborateurs au sein de 17 équipes qui explorent les mécanismes de la vision, de ses affections, des approches diagnostiques et thérapeutiques novatrices. Il est aussi membre de l’Académie des Sciences, et de l’Académie Leopoldina (Allemagne).