« Avec ‘Chœurs en mouvement’, notre ambition est à la fois sociale, éducative et artistique » Olivier Mantei, directeur général de la Philharmonie de Paris

La Fondation accompagne le lancement d’un nouveau programme intitulé « Chœurs en mouvement ». Quelle est sa mission et comment va-t-il se déployer ?

Avec ce projet, la Fondation Bettencourt Schueller et de la Philharmonie s’engagent en faveur de l’ensemble de la filière du chant choral, avec un objectif très ambitieux... Donner une plus grande visibilité aux ensembles, révéler des nouveaux talents et transmettre la pratique chorale au plus grand nombre. Le projet s’attache tout particulièrement à développer cette idée du chant pour tous. La voix est, par nature, l'instrument le plus démocratique puisqu’on le porte en soi. Pour favoriser la sensibilisation, nous présenterons le chant choral dans toutes ses formes : avec des concerts mais aussi des ateliers qui seront autant d’invitations à participer, à chanter ensemble. Il s’agit de faire découvrir et de donner envie à tous de pratiquer le chant choral avec un programme qui prend à la fois un caractère social, éducatif et artistique.

Premier événement lié à ce projet, la manifestation « Week-end Chœurs » qui signera l’entrée dans chaque saison. Que va dévoiler la première édition, fin septembre prochain ?

Au fil de ce week-end, le public va notamment retrouver des ensembles qui ont été lauréats du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral. On y écoutera La Tempête dirigé par Simon-Pierre Bestion qui proposera un répertoire très transversal, de la musique médiévale de Guillaume de Machaut à des œuvres du XX^e siècle. Aussi riche qu’éclectique, ce programme atteste de notre volonté de proposer une vraie diversité pour permettre à chacun de s'y retrouver, et faire des découvertes. Nous attendons un large public puisque la plupart de nos salles sont mobilisées, notamment la Grande Salle Pierre Boulez avec 2 400 places, ou la Salle des Concerts - Cité de la Musique qui en contient 900.

Dans le cadre de ce programme, le chant choral occupera une place plus que jamais privilégiée au sein de la Philharmonie. Celui-ci est inscrit dans l’identité de votre maison ?

Le chant choral fait, depuis toujours, partie de la Philharmonie. Dès 2003, la Cité de la musique a imaginé une Biennale d’art vocal qui misait déjà sur la diversité et la musique pour tous. Cette initiative a peu à peu évolué vers ce programme « Chœurs en mouvement », avec un rythme annuel et non biannuel. Une façon de rappeler aussi la transversalité de la Philharmonie : un lieu de concert, un lieu de vie également.

Vous prévoyez aussi la production d’ateliers musicaux sous le label « Chœur d’un jour ». Pouvez-vous nous les présenter ?

« Chœur d’un jour » est une expérience participative ; un atelier ouvert à tous, sans audition, sans prérequis et sans engagement, qui propose simplement de mêler sa voix aux autres voix. Il se déroule dans un espace ouvert – la Rue Musicale – où les publics se croisent. Les répertoires, choisis en lien avec l’actualité des concerts et des expositions de la Philharmonie, sont dévoilés sur place. La séance débute par un échauffement vocal et corporel, se poursuit par l’apprentissage des différentes voix du morceau travaillé et se termine par une petite restitution.

Parallèlement à cet atelier, l’initiative « Chœurs en scène » se veut à la croisée des disciplines artistiques. Une façon de penser, et promouvoir, une nouvelle génération de spectacles…

Cette initiative illustre, là encore, la diversité de nos projets. Elle reprend l’esprit d’un programme historique de la Philharmonie intitulé Musique en scène et destiné à produire des spectacles où la musique dialogue avec d’autres formes artistiques, offrant une dimension scénique avec la collaboration d'un metteur en scène, d'un plasticien ou d'un chorégraphe. Le principe est le même mais, cette fois, décliné exclusivement avec des chœurs.

Parallèlement à ces rendez-vous, la Philharmonie poursuit le développement du programme EVE (Exister avec la Voix Ensemble). Pouvez-vous nous rappeler sa mission ?

Il s’agit de l’un de nos projets phare, créé en 2018 et soutenu par la Fondation. L’objectif est d’offrir aux enfants une approche de la musique, qui participe à leur bien-être et à leur développement. Déployé dans deux écoles primaires, le projet s’étend désormais à plus d’une dizaine de collèges d’Ile-de-France. Les élèves bénéficient d’un apprentissage du chant de 3-4h par semaine dans les classes, doublé de répétitions à la Philharmonie ; le tout misant sur les pédagogies les plus innovantes. Les ateliers sont encadrés par un chef de chœur et des animateurs rompus aux méthodes Dalcroze et Alexander, qui s’appuient sur l’intelligence corporelle pour intégrer le geste musical. Par ailleurs, la présence de musicothérapeutes aide les élèves à sortir d’éventuelles situations de blocage (difficiles pour certains d’oser chanter) et à transformer les émotions un geste artistique. Les élèves progressent sur le plan musical mais l’expérience dépasse ce cadre. Une évaluation à l’entrée en sixième a montré qu’ils présentaient de meilleures performances en termes de mémorisation et de reproduction de phrases complexes, une façon de rattraper un éventuel déficit de compétences mais aussi d’obtenir des résultats supérieurs à la moyenne des élèves dans les départements concernés. Forts de ces succès, nous allons proposer un modèle qui va s'étendre dans différents territoires (Hauts-de-France, Normandie, région PACA…). L’objectif étant d’arriver à un projet d’envergure nationale, avec le soutien du ministère de l’Éducation Nationale.

Promouvoir le chant choral auprès d’un large public est sans conteste défi de « Chœurs en mouvement » mais ce programme veut aller plus loin, justement avec un ancrage dans les territoires…

« Chœur d'un jour » est un ancrage territorial, inscrit au cœur du Grand Est parisien. Le développement d’EVE sur le plan national et notre expérience du réseau DEMOS (Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale) mis en place dans presque tous les départements nous donnent aussi une dimension largement nationale. De plus, la Philharmonie touche tous les territoires via la transmission de ses contenus. Plus de 5 000 bibliothèques et médiathèques sont reliées à notre médiathèque. L’ensemble de ces initiatives participent d’un même objectif, œuvrer pour la démocratisation de la musique.

A travers ce programme, vous réaffirmez vos liens avec la Fondation. Quel regard portez-vous justement sur son engagement ? Et quel rôle peut jouer la Philharmonie, considéré comme l’un des plus importants établissements de médiation musicale en Europe ?

L'identité, l'image de la Fondation est liée à cette discipline depuis la création du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral. Via cette récompense, la Fondation a imaginé un dispositif qui ne tient pas du seul soutien, mais aussi d'une réflexion très profonde sur l’avenir de cet art. Elle interroge les formations, la pratique vocale, les nouveaux modèles, les répertoires, le chant pour tous. Nous échangeons beaucoup avec les équipes de la Fondation sur ces sujets cruciaux et ce programme se situe dans le droit fil de nos réflexions communes. La dimension de médiation est très importante pour la Philharmonie, reconnue en cela en France et en Europe. Elle est constitutive de notre projet qui réunit également l'exigence de la programmation et la création. La volonté d’excellence et l’ouverture au grand public ne sont pas des notions antinomiques, pourvu que l’on offre un accompagnement ambitieux, qu’on emmène le public vers de nouvelles expériences en lui donnant des clés de compréhension. Avec le formidable festival Chants libres lancé par la Fondation en 2020, la Fondation poursuit d’ailleurs cette même réflexion.

La Philharmonie de Paris entretient-elle des liens avec d'autres institutions en Europe ? Avez-vous des projets communs ?

Certaines institutions internationales sont venues étudier notre modèle d'éducation et de médiation. Aucune Philharmonie ne ressemble à la nôtre puisque nous réunissons à la fois un musée, une médiathèque, un pôle des savoirs, une maison d'édition, des orchestres et quatre salles de concert. Tout cela crée une transversalité qui favorise l'ouverture à la culture. On entre ici par une porte et on sort par une autre ; on vient pour quelque chose et on voit autre chose. Le pôle éducation est l’un des plus stratégiques de la Philharmonie. Nous déployons des moyens très importants pour nous ouvrir au public, notamment aux nouvelles générations… Le tout avec succès puisque le nombre de jeunes venant au concert a doublé en quatre ans.

Pour aller plus loin

Chœurs en mouvement

La Fondation et la Philharmonie de Paris poursuivent l'amplification de leur engagement en faveur du chant choral. Il permettra le déploiement du programme "Chœurs en mouvement", une initiative ambitieuse visant à faire rayonner le chant choral sur l'ensemble du territoire. 

EVE 2022-2024

En tant qu’établissement public national, la Philharmonie a comme mission de placer la musique au centre du développement de l’enfant et de la vie citoyenne. Avec le projet EVE, initié en 2018, elle entend faire rayonner l’art du chant choral dans toute la France et dès le plus jeune âge par le...