Patrick Mehlen s’est donné pour mission de comprendre comment les cellules cancéreuses échappent à la mort cellulaire programmée. Il a découvert un acteur fondamental de l’apoptose : les récepteurs à dépendance.

Du rôle bénéfique de l’apoptose ou mort cellulaire

Au sein de notre organisme, le renouvellement cellulaire est rigoureusement contrôlé, notamment grâce à un mécanisme nommé apoptose. Cette mort cellulaire est un processus d’autodestruction des cellules, qui intervient lorsqu’elles deviennent anormales.

Des tumeurs peuvent apparaître lorsque les cellules anormales échappent à cette mort programmée.

Mais comment les cellules comprennent-elles qu’elles doivent s’autodétruire pour ne pas mettre l’organisme en péril ? C’est justement là tout l’enjeu des recherches de Patrick Mehlen, qui imagine que ce mécanisme passe par des sentinelles postées à la surface des cellules et scrutant leur environnement.

Communications cellulaires : des serrures et des clés

Les cellules communiquent avec leur environnement par le biais de récepteurs et de messagers, aussi appelés ligands, qu’on peut assimiler respectivement à des serrures et à des clés.

Contrairement au dogme postulant que les récepteurs ne fonctionnent qu’en présence de leur ligand, Patrick Mehlen découvre qu’un récepteur qui ne reçoit aucun message n’est pas forcément silencieux et inactif. Certaines serrures sont capables de fonctionner sans clé. Nommées « récepteurs à dépendance », elles enclenchent une mort cellulaire programmée en l’absence de message.

L’association d’un récepteur à dépendance et de son ligand indique que tout est normal et permet la survie de la cellule. Privé de son ligand, ce récepteur envoie au contraire un message qui induit la mort de la cellule.

Cancers et résistance à l’apoptose

Dans certains cancers, les cellules s’affranchissent du contrôle des récepteurs à dépendance, en produisant elles-mêmes leur propre ligand. Elles résistent ainsi à l’apoptose et se multiplient de manière incontrôlée, créant ainsi des tumeurs.

Patrick Mehlen propose alors d’induire la mort des cellules tumorales en bloquant l’interaction entre leur récepteur à dépendance et le messager qu’elles produisent.

Le ligand netrin-1 est impliqué dans 70 % des cancers du sein métastatiques. En 2011, soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller dans le cadre du Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant, l’équipe de Patrick Mehlen a pu développer un anticorps contre le messager netrin-1. Cet anticorps s’est révélé efficace contre les récidives cancéreuses chez l’animal.

De l’identification des différents ligands produits par les cellules cancéreuses, pourrait résulter le développement de thérapies ciblées pour chaque type de cancers.

Patrick Mehlen en quelques mots

Biologiste de formation et diplômé de l’École Normale Supérieure, Patrick Mehlen entreprend un doctorat de biologie cellulaire et moléculaire à l’Université Lyon 1, sur les protéines contrôlant la mort cellulaire.

Post-doctorant à l’Institut Burnham de San Diego, il collabore avec Dale Bredesen pour découvrir le fonctionnement inédit des « récepteurs à dépendance » et leur rôle crucial dans l’apoptose.

De retour en France, il crée son équipe de recherche au sein du Centre de génétique moléculaire et cellulaire de Lyon, et met en évidence les multiples rôles des récepteurs à dépendance dans le développement cellulaire normal, mais également dans l’oncogenèse ou encore les maladies neurodégénératives.

En 2011, soutenue par la Fondation Bettencourt Schueller, son équipe parvient à développer un anticorps efficace contre certaines récidives cancéreuses chez l’animal.

Les travaux de Patrick Mehlen sur le décryptage des mécanismes de l’apoptose, représentent un enjeu majeur pour la découverte de nouvelles voies thérapeutiques contre le cancer.

  • 1992 Doctorat de biologie cellulaire et moléculaire, Université Lyon 1

  • 1997 Post-doctorat, The Burnham Institute, La Jolla, Californie (États-Unis)

  • 1998 Chargé de recherche de 1re classe au CNRS

  • 1998 Chef de l’équipe Apoptose et différenciation, Centre de génétique et de physiologie moléculaire et cellulaire, Villeurbanne

  • 2004 Chef de l’équipe Apoptose, cancer et développement, Centre Léon Bérard, Lyon

  • 2005 Médaille d’argent du CNRS

  • 2006 Directeur de recherche de 1re classe au CNRS

Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant

Le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant récompense chaque année un chercheur de moins de 45 ans pour l’excellence de ses travaux et sa contribution remarquable à son domaine de recherche scientifique. Ce prix est attribué selon les années à un chercheur établi en France ou travaillant dans un autre pays d'Europe. Vingt-sept lauréats ont été récompensés depuis 1997. A partir de 2023, la dotation de ce prix récompense personnellement le lauréat à hauteur de 100 000 euros.

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