« Ce qui fascine les Américains, c'est la richesse de nos métiers d’art et notre capacité à toujours innover » Entretien avec Mohamed Bouabdallah, Directeur de la Villa Albertine et conseiller culturel de l’Ambassade de France.

Directeur de la Villa Albertine, résidence d’artistes créée en 2021 par la France aux Etats-Unis, et conseiller culturel de l’Ambassade de France, basé à New York, Mohamed Bouabdallah dévoile les temps forts de la politique menée sur place pour le rayonnement de nos métiers d’art.
Pouvez-vous tout d’abord nous présenter dans les grandes lignes la mission de la Villa Albertine, ce programme de résidence culturelle française ?
La Villa Albertine désigne désormais le service culturel de l'ambassade de France aux Etats-Unis, qui couvre l'ensemble des échanges culturels, éducatifs et universitaires de la France dans ce pays ; le tout relevant directement du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Nous avons repris ce nom lorsque nous avons créé un programme de résidences culturelles en 2021. Par son ampleur, son impact et son originalité, ce programme a connu un grand retentissement et nous avons alors décidé d'utiliser cette marque pour l'ensemble de nos activités.
Vous mettez en avant l’originalité de cette Villa. Quelle forme prend-elle ?
Une forme adaptée au XXIe siècle et au territoire où elle est implantée, les Etats-Unis. Ce pays est extrêmement vaste et l'idée était d'offrir aux créateurs la liberté de choisir un lieu de résidence sur tout le territoire, là où leur centre d'intérêt pouvait les porter. La Villa, en tant que telle, est présente dans dix villes. Le siège est à New York, dans le bâtiment magnifique de la Payne Whitney Mansion et nous sommes aussi implantés à Los Angeles, Chicago, La Nouvelle-Orléans, Miami etc., ce qui nous permet de rayonner sur l'ensemble du territoire. Quant aux résidences, elles peuvent se déployer dans ces villes mais aussi dans le Dakota du Sud, en Alaska…. Nous proposons même des résidences itinérantes, comme celle, menée par le photographe Nicolas Floc’h, qui s’est déroulée au fil du Mississippi.
Le maître-mot de ce programme, c'est la liberté. Liberté dans le projet, liberté dans le lieu. Et la démarche connait un vrai succès. Nous recevons en moyenne 900 candidatures et accueillons 50 à 60 résidents chaque année. Le tout est rendu possible par une mobilisation collective impliquant le réseau diplomatique français, mais aussi le ministère de la Culture, l’Institut français et de nombreux partenaires publics et privés.
Le maître-mot de ce programme, c'est la liberté. Liberté dans le projet, liberté dans le lieu. Et la démarche connait un vrai succès.

Quelles sont les disciplines représentées, et notamment la place faite aux métiers d’art ?
Nous réunissons un panorama très large qui va du cinéma à la littérature, des arts visuels à la danse, de la musique au théâtre et nous y ajoutons cette année la thématique art et IA. La Villa accueille également les métiers d’art depuis sa création grâce au soutien de la Fondation. Nous proposons un appel à candidatures spécifique et recevons chaque année 5 ou 6 artisans d’art. Cela représente environ 10% des résidents, ce qui montre l'importance que l'on attache à ce champ d'activité et à la volonté de le promouvoir dans le pays.
Nous avons de très bons retours d’expérience de nos résidents. Lauréat du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main®, Steven Leprizé, qui a séjourné à New York en 2022, a imaginé sur place quatre créations présentées en 2024 lors d'un grand salon local (ICFF) et tissé un réseau qui le conduit à s’implanter durablement aux Etats-Unis.
L'objectif de cette résidence est en effet de permettre aux artistes et aux artisans d’art de s'inspirer du territoire américain, d'avoir un moment de liberté essentiel à la création mais aussi de rencontrer des gens, d’encourager des collaborations. Et de favoriser le développement du savoir-faire français sur le marché américain, premier marché au monde, en cohérence avec nos objectifs économiques.
Faire rayonner les métiers d’art français aux Etats-Unis. Cette mission s’exprime notamment à travers l’événement Oui Design que vous avez organisé du 7 au 17 mai. Quels en sont ses temps forts ?
Cette initiative a été imaginée par la Villa Albertine en 2022 et se déroule chaque année en même temps que la Design Week de New York, qui constitue un événement majeur pour le secteur. L’objectif est de mettre en avant la création française et nous avons pour cela imaginé un parcours qui permet aux visiteurs d'identifier l'offre et la créativité française avec des expositions, des événements qui se déroulent dans des maisons françaises et des showrooms partenaires. Par ailleurs, nous organisons une exposition présentant les œuvres de nos artisans d’art en résidence avec, cette année, un travail autour de la plumasserie, de la marqueterie, de la céramique.
Enfin, nous développons en partenariat avec le Mobilier National, la Fondation et l’Institut français un programme d'immersion professionnelle d’une semaine pour huit artisans d'art français qui peuvent ainsi multiplier les rendez-vous avec des professionnels français et américains pour appréhender le marché local, montrer leur travail et réfléchir à un éventuel développement de leur activité sur place. Parmi eux, trois sont d'anciens résidents, ce qui illustre notre volonté de créer une sorte de continuité, de cercle vertueux.
Ce programme se déploie durant la Design Week new yorkaise, l’occasion de prendre la mesure de la santé de ce secteur aux Etats-Unis. Comment se porte-t-il ?
L’univers de la décoration intérieure américaine représente un quart du chiffre d’affaires mondial. Il est largement tiré par les grandes fortunes du pays pour la clientèle privée mais aussi par un secteur de l'hospitality (hôtels, restaurants) très florissant. Dans ce contexte, notre objectif est de soutenir la nouvelle génération d'artisans d’art et de designers français et de les aider à ouvrir les portes de ce marché extrêmement dynamique, qui constitue une vraie opportunité pour le développement de leur activité.
Notre objectif est de soutenir la nouvelle génération d'artisans d’art et de designers français et de les aider à ouvrir les portes de ce marché extrêmement dynamique. Rappelons que les États-Unis sont le premier marché mondial pour la France et que New York constitue la porte d'entrée absolue pour le pays.
Quel regard portent les américains sur les métiers d’art français ?
Ce qui fascine les Américains, c'est la richesse unique d’un patrimoine mais aussi une créativité très forte et une capacité à toujours innover. Si les métiers d’art français sont très reconnus, nous faisons face à une importante concurrence et il faut en permanence montrer la création française et sa modernité. Le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller est essentiel dans cette stratégie de promotion. Rappelons que les États-Unis sont le premier marché mondial pour la France et que New York constitue la porte d'entrée absolue pour le pays. Être présent à New York, faire l’événement, montrer notre nouvelle génération et rappeler comment cette création s'ancre dans une histoire est crucial pour le rayonnement de ces métiers.
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