Forte d’un bilan très positif, la Fondation entend adapter son festival d’art choral Chants libres au contexte renouvelé d’une vie musicale qui a repris son cours et propose ainsi au secteur du chant choral un nouveau rendez-vous annuel. 

Avec l’édition Chants libres 2023, près de 50 événements musicaux vont se dérouler dans cinq régions de France le week-end du 23 juin, le tout emmené par des ensembles prestigieux mais aussi des chœurs amateurs et des chorales scolaires. Pour l’occasion, le festival s’enrichit également d’un hymne qui vient signer le festival de façon pérenne. Entretien avec Franck Krawczyk, compositeur de l'hymne de Chants libres.

Vous venez de composer l’hymne du festival Chants libres. Quel regard portez-vous tout d’abord sur cette initiative ?

Je suis compositeur et enseignant en musique de chambre mais je mène aussi de nombreuses actions sociales, destinées à rapprocher l’univers musical d’un public qui en est éloigné. Avec l’association Plein Jour, je collabore depuis 2017 avec le Théâtre des Bouffes du Nord à Paris autour de la série L’Opéra, c’est vous, qui invite chacun à prendre la parole à travers une œuvre du répertoire lyrique – des réfugiés politiques, des migrants, des jeunes déscolarisés, des enfants accueillis en hôpital de jour… 

La Fondation Bettencourt Schueller, accompagnée d’Olivier Mantei, directeur de la Philharmonie de Paris et de Sarah Koné, directrice de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique de Paris, m’ont présenté le festival Chants libres, j’ai d’emblée accepté. Le festival partage les mêmes vues sur les bienfaits de la musique et la volonté de la rendre plus proche, directement accessible. Il propose une façon très neuve de répondre à ces questions, avec une réflexion sur le temps long et une politique locale qui me semble essentielle. 

Vous avez déjà composé plusieurs hymnes, expliquez-nous ce goût pour cette forme musicale…

J’ai récemment signé l‘adaptation des hymnes pour la Coupe du monde de Rugby France 2023 et je suis, depuis toujours, séduit par ce type de création, souvent dédaigné alors qu’il constitue un lien transgénérationnel très puissant. Peu de gens, hormis les musicologues, savent que la Marseillaise est née d’une mélodie d’enfant, un choral de Scandelli passé par Mozart (avec l’air de Papageno), avant d’être transmis par toutes les mères qui l’ont chanté pour bercer leur nouveau-né. Un hymne part toujours d’une mélodie ancrée dans l’inconscient collectif. C’est une musique faite pour partager, rassembler et transmettre. J’aime beaucoup ces mots de Virginia Woolf : « Les chefs d’œuvre ne sont pas nés seuls et dans la solitude. Ils sont le résultat de nombreuses années en commun, de pensées élaborées par l’esprit d’un peuple entier, de sorte que l’expérience de la masse se trouve derrière la voix d’un seul ».  En écrivant un hymne, le compositeur formalise cette pensée commune.

Dans le cadre de ce festival destiné à tous, l’hymne prend tout particulièrement la forme d’un symbole ?

Le festival Chants libres est né dans le contexte du covid et la Fondation tenait à rappeler cette situation particulière qui a permis de prendre conscience, encore davantage, de la nécessité de se retrouver dans le collectif. Le chœur est la démonstration de cela. Les gens qui en font l’expérience, surtout les amateurs, peuvent témoigner de ce contact irremplaçable. Une expérience qui concerne l’altérité mais aussi un rapport à soi, au dépassement, et à l’indicible.

  • 46événements
  • 28chœurs
  • 745interprètes
  • 5régions de France
  • Ensemble, enchantons l’été - Les Métaboles 10 juillet 2020
    Les Métaboles durant le concert surprise donné dans les jardins du Château de la Neuenbourg à Guebwiller - "Ensemble, enchantons l'été", le 10 juillet 2020.
    © Stéphane Lagoutte / Agence MYOP pour la Fondation Bettencourt Schueller
  • Chants libres - Ensemble Aedes - 9 juillet 2021
    L'Ensemble vocal Aedes dans le cloître de l'Abbaye Saint-Germain d'Auxerre, sous la direction de Mathieu Romano, le 9 juillet 2021, dans le cadre de Chants libres.
    © Morgane Vie
  • L'ensemble Spirito devant le théâtre de La Rampe à Echirolles le 16 juin 2021, dans le cadre de Chants libres, sous la direction de Nicole Corti.
    © Olivier Monge / Agence MYOP pour la Fondation Bettencourt Schueller
  • La Maîtrise Populaire de l'Opéra Comique sur la Place des Fêtes du 19ème arrondissement de Paris dans le cadre de Chants libres, sous la direction de Sarah Koné, le 19 juin 2021.
    © Stéphane Lagoutte / Agence MYOP pour la Fondation Bettencourt Schueller
  • Les Rencontres de la Photographie d'Arles 2022 - Musicatreize
    Concert de l’Ensemble Musicatreize lors de l’événement MYOP à la Cour de l’Archevêché, à Arles, le jeudi 7 juillet 2022.
    © Stéphane Lagoutte / Agence MYOP pour la Fondation Bettencourt Schueller
  • L'ensemble Les Eléments au cœur du château de Laréole, près de Toulouse, sous la direction de Joël Suhubiette, le 19 septembre 2021 dans le cadre de Chants libres.
    © Ulrich Lebeuf/Agence MYOP pour la Fondation Bettencourt Schueller

Comment avez-vous imaginé cet hymne ?

J’ai commencé par m’interroger sur l’association des deux mots - Chants / Libres - ce qui m’a permis de revenir aux sources même de la musique, cette façon d’exprimer nos sentiments et nos émotions par une autre forme que l’oralité simple. Une parole mise en musique est toujours transcendée et grâce à cela, elle redonne une liberté intérieure, reconquise par la forme mélodique du mot.

Pourquoi choisir le « Va, pensiero », le chœur des esclaves de Verdi ?

Celui-ci m’a semblé le plus approprié, l’idée de liberté se situant au cœur même de l'œuvre. Ici, la pensée des esclaves fonde le chant et, ce qui est intéressant, c’est que celui-ci devient acte - de fuir, de s’évader. Le chant offre à la pensée une possibilité d’envisager l’action, se chargeant peu à peu d’un autre sens, d’une autre intensité, d’une force collective. Pour renforcer le message, l’œuvre de Verdi sera introduite par la partie orchestrale du chœur des prisonniers de Fidelio, l’opéra de Beethoven, les deux partitions s’unissant autour des mêmes thèmes et émotions. Celles-ci ont beaucoup en commun. Elles sont nées d’une même inspiration, avec des liens historiques entre les prisonniers de Fidelio et des esclaves de Verdi. Proches par le fond et la forme, elles se devaient d’être associées. 

De quels ensembles le chœur va-t-il être formé ? 

Cette œuvre est un hymne du rassemblement et nous réunirons cinq chœurs pour l'interpréter, chacun bénéficiant d’une partition adaptée. Il s’agit des membres du CAPE, chœur d’adultes professionnels du projet EVE (Exister avec la Voix Ensemble) ; des maîtrises de Lyon et de Sainte-Anne-d’Auray, ainsi que la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique, le tout complété par le chœur Aedes. Son chef, Mathieu Romano, prendra la direction de ce grand ensemble composé de 200 chanteurs, sans oublier le public qui sera invité à participer. Cette création chorale constitue l’un des temps forts du festival - chorégraphiée par Blanca Li, interprétée dans la salle Boulez de la Philharmonie de Paris - mais également chantée lors des différents événements en région… 

Vous parlez de partitions adaptées. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les voix, très différentes, ne présentent pas les mêmes capacités. J’ai donc conçu des arrangements qui permettent à chacun de trouver sa place dans ce grand chœur. Les différentes partitions permettront à tous de chanter ensemble durant l’événement mais elles offrent aussi, à chaque groupe, la possibilité de prolonger l’expérience de façon autonome. Avec cette grande œuvre du répertoire, repensée pour toutes les formations chorales possibles, j’ai voulu rendre très concrète l’idée d’un chant pour tous, et pour chacun.  

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